Impossible de ne pas savoir que l’ensemble des réseaux sociaux ont censuré les différents comptes de Donald Trump, à peine quelques jours avant son départ de la Maison Blanche. Censurer un président encore en exercice, une première dans l’histoire. Dans la foulée, des dizaines de milliers d’autres comptes dits complotistes ont été effacés des réseaux du jour au lendemain.
Ce droit de censure entre les mains d’acteurs privés est-il tolérable ? Facebook, Twitter… Après avoir été les principaux acteurs de l’élection du milliardaire New-Yorkais et du mode de communication directe de l’ex-président des États-Unis, les GAFA seraient-ils devenus les nouveaux maîtres censeurs d’un monde connecté ?
« Que ton nom ne soit plus » : jadis, les Égyptiens allaient jusqu’à effacer la moindre trace de celui que l’on voulait bannir post-mortem, de ses statues au moindre cartouche gravé à son nom. Aujourd’hui, c’est sur Internet que cela se passe, alors même que les réseaux sociaux vivent de la haine, des conflits et des interactions qu’ils génèrent. Dans le nouveau monde privatisé du web, entre les mains d’une dizaine d’acteurs, le verdict est sans appel : une peine de mort numérique, un effacement des réseaux vous coupant du monde des vivants, tous connectés entre eux. Quelles que soient les thèses défendues, comment imaginer faire de la politique, convaincre, se faire connaître, vaincre, une fois privé de toute visibilité numérique ? Loin du débat politique américain, la question peut aisément être transposée au contexte français : demain, quel candidat se verra numériquement euthanasié ? Selon des critères ne relevant d’aucune loi, d’aucun État, juste d’entreprises privées multinationales ? Quel chroniqueur ou média ne respectant pas un certain politiquement correct intangible se verra frappé de la même manière ?
Autre conséquence, a contrario, de cette nouvelle forme de censure numérique : le repli de millions d’internautes, qui ont fait le choix de quitter des réseaux sociaux désormais perçus comme abusifs, pour se retrouver désormais sur des réseaux moins grand public. Des réseaux par ailleurs plus opaques et difficiles à surveiller par les autorités. Ce qui n’est pas un souci pour des conversations libres entre citoyens responsables, mais le devient plus en cas d’éventuels projets plus violents. Une fois une partie des électeurs, américains ou autres, disparus dans ce que l’on surnomme le « dark social », la vraie violence sera hors de portée des radars.
Judikael Hirel
Source : RTL
Cet article est republié à partir de La Sélection du Jour